DOMINIQUE CHABROL viendra dédicacer sa nouvelle biographie : » ALPHONSE BOUDARD, une vie à crédit « , le samedi 27 juin 2020 à partir de 17 h à la librairie, 49, rue Gay-Lussac.
http://www.editionsecriture.com/livre/alphonse-boudard-une-vie-a-credit/
Voir dans nos catalogues une liste de livres d’Alphonse Boudard actuellement disponibles chez nous. Nous disposons également de quelques livres d’Albert Paraz et nous avons un rayon Céline…
—–
Note de lecture par Frédéric Aimard, co-gérant de la librairie Gay-Lussac
Michel Boudon, né en 1925 de père inconnu et d’une mère trop jeune et trop aventurière pour s’occuper de lui, passe ses six premières années dans une famille d’accueil d’honnêtes paysans dans un petit village dans la forêt d’Orléans et dans l’extrême pauvreté. Mais il gardera toujours une immense reconnaissance pour cette famille accueillante. Puis ce sera sa grand-mère qui s’occupera de lui, avenue d’Ivry dans le XIIIe arrondissement de Paris, quartier ouvrier autour des usines Panhard. Elle est d’une grande douceur, mais ils connaissent la misère, le froid, la faim. À l’école communale, plutôt cancre et adepte de l’école buissonnière, il décroche tout de même son certificat d’études primaires.
Bien que d’un milieu a priori anticlérical, il fréquente aussi le patronage catholique, fait sa première communion, et garde plutôt un bon souvenir des curés rencontrés. Le voilà apprenti chez un typographe fondeur de caractères – première rencontre avec la Littérature – mais il n’a pas l’intention de devenir ouvrier et préfère fréquenter les mauvais garçons de Montmartre.
Survient la guerre : l’Occupation allemande, la plus grande pauvreté encore et les combines pour s’en sortir, les vols de vélos, un peu de marché noir… Il a la chance de se trouver du côté de la Résistance sans se faire arrêter, participe aux combats de la Libération de Paris, s’engage dans l’armée du colonel Fabien, pourrait devenir une sorte de héros. Mais, il n’a pas envie de se laisser embrigader par l’idéologie communiste, et puis il est blessé – à la fesse –, et se retrouve démobilisé dans une France encore rationnée. Il est sans formation, sans économies, sans aucune envie de rentrer dans le rang, avec de mauvaises fréquentations.
Un ami lui trouve pourtant une place de commis dans une librairie de livres anciens rue des Saints-Pères. Seconde rencontre avec la Littérature. Mais il se trouve bientôt mis à la porte, soupçonné de vol… C’est à Saint-Germain des Prés qu’il a rencontré Gisèle, qui sera sa compagne de toute une vie.
Celui qui deviendra beaucoup plus tard un grand écrivain sous le pseudonyme d’Alphonse Boudard, connaît ainsi de nombreux malheurs mais à chaque malheur correspond une chance qu’il ne décèle en général pas tout de suite. C’est une des clés de lecture de cette vie à rebondissements que nous offre méthodiquement le journaliste Dominique Chabrol, son biographe, vingt ans après la mort d’Alphonse, le 14 janvier 2000.
Ceux qui ont lu un peu Boudard (plus de cinquante livres), ou vu les films nourris de son imagination et dopés par ses dialogues, savent qu’un peu plus d’une douzaine des romans du célèbre argotier ne font que raconter des épisodes de sa propre vie, mais en y mettant les distances nécessaires pour ne pas blesser ses contemporains, pour ne pas réveiller la Justice qui le surveille de près, et par la volonté de raconter de belles histoires rigolotes en les enjolivant (d’une manière qu’il avait apprise de Céline auquel on l’a trop souvent comparé), ce qui ne veut pas dire qu’il se soit donné toujours le beau rôle pour autant, bien au contraire. Son sens du comique passait souvent par l’autodérision. Ce qui rend sa cruauté plus acceptable peut-être quand il décrit les travers de tous les autres dont il fait le féroce portrait.
Boudard a raconté à sa manière comment il s’est fait prendre dans une affaire de fausse monnaie et a découvert la prison de Fresnes où les victimes de l’épuration côtoyaient les droits-communs. De beaux contrastes, des figures intéressantes qu’il gardera toujours en mémoire. C’est là qu’il commencera à dévorer tous les livres qu’il pourra se faire prêter. Mais en prison, il contracte la tuberculose… Et en sortant, bien qu’il ait maintenant femme et enfants à charge, il devient un cambrioleur régulier. Jusqu’à ce qu’il se fasse prendre à nouveau, repasse par la case prison pour quatre ans – où il côtoie des figures du FNL ou de l’OAS –, puis commence un très long tour de France des sanatoriums. Heureusement pour lui les antibiotiques sont arrivés et on commence à savoir les utiliser. Heureusement aussi, il tombe sur des chirurgiens qui lui scient les côtes, lui enlèvent un poumon, mais ne le tuent pas. Pendant tout ce temps, il a lu tout ce qui lui tombait sous la main et s’est forgé une solide culture. Et sa femme ne l’a jamais abandonné.
Un jour, sous prétexte de lui demander un conseil médical, il commence une correspondance avec l’écrivain Albert Paraz (1889-1957) dont le livre « Le Gala des vaches » raconte la vie dans les sanatoriums et recueille un échange de correspondances avec son ami l’écrivain maudit Céline. C’est Paraz qui décèle dans les lettres de Michel Boudon, un maître de l’argot et du récit truculent. Il lui propose de l’aider à rédiger un dictionnaire de l’argot et à préparer une version radiophonique du « Voyage au bout de la nuit », lui fait connaître Paul Chambrillon, le critique dramatique qui, devenu son ami, saura lui ouvrir plus tard bien des portes. À 27 ans, Michel se voit proposer ses premiers travaux d’écriture. Il faudra encore dix ans pour qu’il devienne Alphonse Boudard, l’auteur célébrissime, édité par Plon, de « La métamorphose des cloportes » ou de « La Cerise ».
Dominique Chabrol nous donne une biographie qu’on pourrait dire « autorisée » dans la mesure où elle est conforme à l’image que Boudard souhaitait donner de lui-même, celle du délinquant sauvé par la littérature. Elle ne perce pas de secret supplémentaire, elle démêle le vrai du faux mais sans excès, tout au plus ramène-t-elle certains chapitres grandioses aux événements triviaux qui furent à leur origine. Elle reste discrète sur ses amours, sa famille… Son mérite principal (et cela n’a sûrement pas été simple) est de donner une chronologie. Alors on comprend tout, on peut tout remettre dans l’ordre. Cela sera un guide pour ceux qui découvrent Boudard maintenant et une conclusion fort instructive pour ceux qui le connaissent déjà.
Le second mérite essentiel de cette biographie, c’est de nous donner comme un livre tout neuf de Boudard, avec de vrais morceaux de Boudard dedans, un rythme et des retournements qui sont certes ceux de la vie du romancier, mais qui n’en sont pas moins palpitants à (re)découvrir ici dans leur simplicité. C’est moins truculent qu’une des œuvres de Boudard, mais plus vrai, donc plus émouvant peut-être, et satisfaisant pour ceux qui aiment bien savoir et comprendre en plus que d’aimer les belles histoires et la littérature vivante pour se distraire.
Enfin la dernière partie consiste en une description de la sortie des principaux livres de cet écrivain, comment ils ont été reçus et compris par les médias, les intellectuels, le public… Quelle est la place de cette œuvre dans l’histoire de la Littérature ? Quel sera son avenir ?
On peut se demander s’il fallait se poser toutes ces questions. Une seule chose était à dire : Boudard, dont le plaisir d’écrire est évident, donne du plaisir à ses lecteurs. Cette biographie le rappelle avec une conviction communicative. Elle remplit donc entièrement son but. Venez rencontrez son auteur à la librairie.
https://www.babelio.com/auteur/Dominique-Chabrol/33119
DOMINIQUE CHABROL viendra dédicacer sa nouvelle biographie : » ALPHONSE BOUDARD, une vie à crédit « , le samedi 27 juin 2020 à partir de 17 h à la librairie, 49, rue Gay-Lussac.
http://www.editionsecriture.com/livre/alphonse-boudard-une-vie-a-credit/
Voir dans nos catalogues une liste de livres d’Alphonse Boudard actuellement disponibles chez nous. Nous disposons également de quelques livres d’Albert Paraz et nous avons un rayon Céline…
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Note de lecture par Frédéric Aimard, co-gérant de la librairie Gay-Lussac
Michel Boudon, né en 1925 de père inconnu et d’une mère trop jeune et trop aventurière pour s’occuper de lui, passe ses six premières années dans une famille d’accueil d’honnêtes paysans dans un petit village dans la forêt d’Orléans et dans l’extrême pauvreté. Mais il gardera toujours une immense reconnaissance pour cette famille accueillante. Puis ce sera sa grand-mère qui s’occupera de lui, avenue d’Ivry dans le XIIIe arrondissement de Paris, quartier ouvrier autour des usines Panhard. Elle est d’une grande douceur, mais ils connaissent la misère, le froid, la faim. À l’école communale, plutôt cancre et adepte de l’école buissonnière, il décroche tout de même son certificat d’études primaires.
Bien que d’un milieu a priori anticlérical, il fréquente aussi le patronage catholique, fait sa première communion, et garde plutôt un bon souvenir des curés rencontrés. Le voilà apprenti chez un typographe fondeur de caractères – première rencontre avec la Littérature – mais il n’a pas l’intention de devenir ouvrier et préfère fréquenter les mauvais garçons de Montmartre.
Survient la guerre : l’Occupation allemande, la plus grande pauvreté encore et les combines pour s’en sortir, les vols de vélos, un peu de marché noir… Il a la chance de se trouver du côté de la Résistance sans se faire arrêter, participe aux combats de la Libération de Paris, s’engage dans l’armée du colonel Fabien, pourrait devenir une sorte de héros. Mais, il n’a pas envie de se laisser embrigader par l’idéologie communiste, et puis il est blessé – à la fesse –, et se retrouve démobilisé dans une France encore rationnée. Il est sans formation, sans économies, sans aucune envie de rentrer dans le rang, avec de mauvaises fréquentations.
Un ami lui trouve pourtant une place de commis dans une librairie de livres anciens rue des Saints-Pères. Seconde rencontre avec la Littérature. Mais il se trouve bientôt mis à la porte, soupçonné de vol… C’est à Saint-Germain des Prés qu’il a rencontré Gisèle, qui sera sa compagne de toute une vie.
Celui qui deviendra beaucoup plus tard un grand écrivain sous le pseudonyme d’Alphonse Boudard, connaît ainsi de nombreux malheurs mais à chaque malheur correspond une chance qu’il ne décèle en général pas tout de suite. C’est une des clés de lecture de cette vie à rebondissements que nous offre méthodiquement le journaliste Dominique Chabrol, son biographe, vingt ans après la mort d’Alphonse, le 14 janvier 2000.
Ceux qui ont lu un peu Boudard (plus de cinquante livres), ou vu les films nourris de son imagination et dopés par ses dialogues, savent qu’un peu plus d’une douzaine des romans du célèbre argotier ne font que raconter des épisodes de sa propre vie, mais en y mettant les distances nécessaires pour ne pas blesser ses contemporains, pour ne pas réveiller la Justice qui le surveille de près, et par la volonté de raconter de belles histoires rigolotes en les enjolivant (d’une manière qu’il avait apprise de Céline auquel on l’a trop souvent comparé), ce qui ne veut pas dire qu’il se soit donné toujours le beau rôle pour autant, bien au contraire. Son sens du comique passait souvent par l’autodérision. Ce qui rend sa cruauté plus acceptable peut-être quand il décrit les travers de tous les autres dont il fait le féroce portrait.
Boudard a raconté à sa manière comment il s’est fait prendre dans une affaire de fausse monnaie et a découvert la prison de Fresnes où les victimes de l’épuration côtoyaient les droits-communs. De beaux contrastes, des figures intéressantes qu’il gardera toujours en mémoire. C’est là qu’il commencera à dévorer tous les livres qu’il pourra se faire prêter. Mais en prison, il contracte la tuberculose… Et en sortant, bien qu’il ait maintenant femme et enfants à charge, il devient un cambrioleur régulier. Jusqu’à ce qu’il se fasse prendre à nouveau, repasse par la case prison pour quatre ans – où il côtoie des figures du FNL ou de l’OAS –, puis commence un très long tour de France des sanatoriums. Heureusement pour lui les antibiotiques sont arrivés et on commence à savoir les utiliser. Heureusement aussi, il tombe sur des chirurgiens qui lui scient les côtes, lui enlèvent un poumon, mais ne le tuent pas. Pendant tout ce temps, il a lu tout ce qui lui tombait sous la main et s’est forgé une solide culture. Et sa femme ne l’a jamais abandonné.
Un jour, sous prétexte de lui demander un conseil médical, il commence une correspondance avec l’écrivain Albert Paraz (1889-1957) dont le livre « Le Gala des vaches » raconte la vie dans les sanatoriums et recueille un échange de correspondances avec son ami l’écrivain maudit Céline. C’est Paraz qui décèle dans les lettres de Michel Boudon, un maître de l’argot et du récit truculent. Il lui propose de l’aider à rédiger un dictionnaire de l’argot et à préparer une version radiophonique du « Voyage au bout de la nuit », lui fait connaître Paul Chambrillon, le critique dramatique qui, devenu son ami, saura lui ouvrir plus tard bien des portes. À 27 ans, Michel se voit proposer ses premiers travaux d’écriture. Il faudra encore dix ans pour qu’il devienne Alphonse Boudard, l’auteur célébrissime, édité par Plon, de « La métamorphose des cloportes » ou de « La Cerise ».
Dominique Chabrol nous donne une biographie qu’on pourrait dire « autorisée » dans la mesure où elle est conforme à l’image que Boudard souhaitait donner de lui-même, celle du délinquant sauvé par la littérature. Elle ne perce pas de secret supplémentaire, elle démêle le vrai du faux mais sans excès, tout au plus ramène-t-elle certains chapitres grandioses aux événements triviaux qui furent à leur origine. Elle reste discrète sur ses amours, sa famille… Son mérite principal (et cela n’a sûrement pas été simple) est de donner une chronologie. Alors on comprend tout, on peut tout remettre dans l’ordre. Cela sera un guide pour ceux qui découvrent Boudard maintenant et une conclusion fort instructive pour ceux qui le connaissent déjà.
Le second mérite essentiel de cette biographie, c’est de nous donner comme un livre tout neuf de Boudard, avec de vrais morceaux de Boudard dedans, un rythme et des retournements qui sont certes ceux de la vie du romancier, mais qui n’en sont pas moins palpitants à (re)découvrir ici dans leur simplicité. C’est moins truculent qu’une des œuvres de Boudard, mais plus vrai, donc plus émouvant peut-être, et satisfaisant pour ceux qui aiment bien savoir et comprendre en plus que d’aimer les belles histoires et la littérature vivante pour se distraire.
Enfin la dernière partie consiste en une description de la sortie des principaux livres de cet écrivain, comment ils ont été reçus et compris par les médias, les intellectuels, le public… Quelle est la place de cette œuvre dans l’histoire de la Littérature ? Quel sera son avenir ?
On peut se demander s’il fallait se poser toutes ces questions. Une seule chose était à dire : Boudard, dont le plaisir d’écrire est évident, donne du plaisir à ses lecteurs. Cette biographie le rappelle avec une conviction communicative. Elle remplit donc entièrement son but. Venez rencontrez son auteur à la librairie.
https://www.babelio.com/auteur/Dominique-Chabrol/33119
DOMINIQUE CHABROL viendra dédicacer sa nouvelle biographie : » ALPHONSE BOUDARD, une vie à crédit « , le samedi 27 juin 2020 à partir de 17 h à la librairie, 49, rue Gay-Lussac.
http://www.editionsecriture.com/livre/alphonse-boudard-une-vie-a-credit/
Voir dans nos catalogues une liste de livres d’Alphonse Boudard actuellement disponibles chez nous. Nous disposons également de quelques livres d’Albert Paraz et nous avons un rayon Céline…
—–
Note de lecture par Frédéric Aimard, co-gérant de la librairie Gay-Lussac
Michel Boudon, né en 1925 de père inconnu et d’une mère trop jeune et trop aventurière pour s’occuper de lui, passe ses six premières années dans une famille d’accueil d’honnêtes paysans dans un petit village dans la forêt d’Orléans et dans l’extrême pauvreté. Mais il gardera toujours une immense reconnaissance pour cette famille accueillante. Puis ce sera sa grand-mère qui s’occupera de lui, avenue d’Ivry dans le XIIIe arrondissement de Paris, quartier ouvrier autour des usines Panhard. Elle est d’une grande douceur, mais ils connaissent la misère, le froid, la faim. À l’école communale, plutôt cancre et adepte de l’école buissonnière, il décroche tout de même son certificat d’études primaires.
Bien que d’un milieu a priori anticlérical, il fréquente aussi le patronage catholique, fait sa première communion, et garde plutôt un bon souvenir des curés rencontrés. Le voilà apprenti chez un typographe fondeur de caractères – première rencontre avec la Littérature – mais il n’a pas l’intention de devenir ouvrier et préfère fréquenter les mauvais garçons de Montmartre.
Survient la guerre : l’Occupation allemande, la plus grande pauvreté encore et les combines pour s’en sortir, les vols de vélos, un peu de marché noir… Il a la chance de se trouver du côté de la Résistance sans se faire arrêter, participe aux combats de la Libération de Paris, s’engage dans l’armée du colonel Fabien, pourrait devenir une sorte de héros. Mais, il n’a pas envie de se laisser embrigader par l’idéologie communiste, et puis il est blessé – à la fesse –, et se retrouve démobilisé dans une France encore rationnée. Il est sans formation, sans économies, sans aucune envie de rentrer dans le rang, avec de mauvaises fréquentations.
Un ami lui trouve pourtant une place de commis dans une librairie de livres anciens rue des Saints-Pères. Seconde rencontre avec la Littérature. Mais il se trouve bientôt mis à la porte, soupçonné de vol… C’est à Saint-Germain des Prés qu’il a rencontré Gisèle, qui sera sa compagne de toute une vie.
Celui qui deviendra beaucoup plus tard un grand écrivain sous le pseudonyme d’Alphonse Boudard, connaît ainsi de nombreux malheurs mais à chaque malheur correspond une chance qu’il ne décèle en général pas tout de suite. C’est une des clés de lecture de cette vie à rebondissements que nous offre méthodiquement le journaliste Dominique Chabrol, son biographe, vingt ans après la mort d’Alphonse, le 14 janvier 2000.
Ceux qui ont lu un peu Boudard (plus de cinquante livres), ou vu les films nourris de son imagination et dopés par ses dialogues, savent qu’un peu plus d’une douzaine des romans du célèbre argotier ne font que raconter des épisodes de sa propre vie, mais en y mettant les distances nécessaires pour ne pas blesser ses contemporains, pour ne pas réveiller la Justice qui le surveille de près, et par la volonté de raconter de belles histoires rigolotes en les enjolivant (d’une manière qu’il avait apprise de Céline auquel on l’a trop souvent comparé), ce qui ne veut pas dire qu’il se soit donné toujours le beau rôle pour autant, bien au contraire. Son sens du comique passait souvent par l’autodérision. Ce qui rend sa cruauté plus acceptable peut-être quand il décrit les travers de tous les autres dont il fait le féroce portrait.
Boudard a raconté à sa manière comment il s’est fait prendre dans une affaire de fausse monnaie et a découvert la prison de Fresnes où les victimes de l’épuration côtoyaient les droits-communs. De beaux contrastes, des figures intéressantes qu’il gardera toujours en mémoire. C’est là qu’il commencera à dévorer tous les livres qu’il pourra se faire prêter. Mais en prison, il contracte la tuberculose… Et en sortant, bien qu’il ait maintenant femme et enfants à charge, il devient un cambrioleur régulier. Jusqu’à ce qu’il se fasse prendre à nouveau, repasse par la case prison pour quatre ans – où il côtoie des figures du FNL ou de l’OAS –, puis commence un très long tour de France des sanatoriums. Heureusement pour lui les antibiotiques sont arrivés et on commence à savoir les utiliser. Heureusement aussi, il tombe sur des chirurgiens qui lui scient les côtes, lui enlèvent un poumon, mais ne le tuent pas. Pendant tout ce temps, il a lu tout ce qui lui tombait sous la main et s’est forgé une solide culture. Et sa femme ne l’a jamais abandonné.
Un jour, sous prétexte de lui demander un conseil médical, il commence une correspondance avec l’écrivain Albert Paraz (1889-1957) dont le livre « Le Gala des vaches » raconte la vie dans les sanatoriums et recueille un échange de correspondances avec son ami l’écrivain maudit Céline. C’est Paraz qui décèle dans les lettres de Michel Boudon, un maître de l’argot et du récit truculent. Il lui propose de l’aider à rédiger un dictionnaire de l’argot et à préparer une version radiophonique du « Voyage au bout de la nuit », lui fait connaître Paul Chambrillon, le critique dramatique qui, devenu son ami, saura lui ouvrir plus tard bien des portes. À 27 ans, Michel se voit proposer ses premiers travaux d’écriture. Il faudra encore dix ans pour qu’il devienne Alphonse Boudard, l’auteur célébrissime, édité par Plon, de « La métamorphose des cloportes » ou de « La Cerise ».
Dominique Chabrol nous donne une biographie qu’on pourrait dire « autorisée » dans la mesure où elle est conforme à l’image que Boudard souhaitait donner de lui-même, celle du délinquant sauvé par la littérature. Elle ne perce pas de secret supplémentaire, elle démêle le vrai du faux mais sans excès, tout au plus ramène-t-elle certains chapitres grandioses aux événements triviaux qui furent à leur origine. Elle reste discrète sur ses amours, sa famille… Son mérite principal (et cela n’a sûrement pas été simple) est de donner une chronologie. Alors on comprend tout, on peut tout remettre dans l’ordre. Cela sera un guide pour ceux qui découvrent Boudard maintenant et une conclusion fort instructive pour ceux qui le connaissent déjà.
Le second mérite essentiel de cette biographie, c’est de nous donner comme un livre tout neuf de Boudard, avec de vrais morceaux de Boudard dedans, un rythme et des retournements qui sont certes ceux de la vie du romancier, mais qui n’en sont pas moins palpitants à (re)découvrir ici dans leur simplicité. C’est moins truculent qu’une des œuvres de Boudard, mais plus vrai, donc plus émouvant peut-être, et satisfaisant pour ceux qui aiment bien savoir et comprendre en plus que d’aimer les belles histoires et la littérature vivante pour se distraire.
Enfin la dernière partie consiste en une description de la sortie des principaux livres de cet écrivain, comment ils ont été reçus et compris par les médias, les intellectuels, le public… Quelle est la place de cette œuvre dans l’histoire de la Littérature ? Quel sera son avenir ?
On peut se demander s’il fallait se poser toutes ces questions. Une seule chose était à dire : Boudard, dont le plaisir d’écrire est évident, donne du plaisir à ses lecteurs. Cette biographie le rappelle avec une conviction communicative. Elle remplit donc entièrement son but. Venez rencontrez son auteur à la librairie.
https://www.babelio.com/auteur/Dominique-Chabrol/33119