Les dédicaces de Léon Bloy

bloy

6 décembre : conférence sur «  Léon Bloy et ses amis » par le libraire-expert-érudit-collectionneur Benoit Galland.

18 h 30 – 21 heures à la librairie. Exposition de photos et du tableau du Père Réginald.

Quelques dédicaces de Bloy pour vous mettre en appétit :

A monsieur l’abbé Lefoulon, ce livre proscrit dont le douloureux accent chrétien ne peut être compris que de quelques âmes religieuses qui s’intéressent aussi à Notre Seigneur crucifié.

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A Madame Robin, ce livre écrit dans les larmes, avec des larmes, pour faire répandre des larmes. Si ces larmes étaient du sang, l’auteur en serait plus fier.

Un ours trop tendre qui se souvient d’avoir été blanc et qui espère le redevenir.

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Paul Verlaine, hommage de l’admiration passionnée, d’un blasphémateur par amour

Léon Bloy.

Seigneur Jésus ! Ayez pitié des lampes misérables qui se consument devant votre douloureuse face.

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Mon bien aimé filleul Pierre-Matthias [Van der Meer de Walcheren], voici un rarissime exemplaire de ce livre célèbre qu’aucun éditeur ne veut réimprimer, on ne sait pourquoi. Tu verras, en lisant cette quasi-autobiographie, dans quel bain d’huile bouillante elle dut être écrite et tu sais, par la série de mon Journal, aussi bien que par La Femme pauvre, ce que Dieu a mis sur mes épaules pendant le quart de siècle qui a suivi. Penche-toi sur ce puits noir et dis-moi profondément que, peut-être, il a fallu toutes ces tortures d’un pauvre homme pour que tu devinsses chrétien.

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À ma très chère femme que j’ai attendue en souffrant quarante-trois années et que la pitié du Christ a bien voulu m’envoyer enfin pour la guérison de mon âme. 19 juin 1890

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A Albert Lumbroso. La conspiration du silence fut déterminée par ce livre, il y a vingt-huit ans. Elle dure encore. L’auteur aussi, par miracle. Cette édition est, d’ailleurs, exécrable.

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A mon ami Émile Baumann,

Histoire vraie malgré l’arrangement littéraire,

Voilà ce que peut souffrir un expectant du Martyr

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A mon cher Alfred Pouthier. Quand vous aurez du chagrin, mon ami, entrouvrez ce livre et le pauvre auteur, évoqué soudain, viendra pleurer avec vous.

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Ma chère Véronique [Bloy], quand j’ai écrit ce livre, qui m’a rendu célèbre et que j’ai payé si cher, je ne connaissais pas encore ta mère. J’étais seul et très malheureux, mais non pas désespéré. Les chrétiens ne doivent pas l’être. Je désespérais des hommes, voilà tout. Un peu plus tard, ta mère est venue, et tu es venue. Alors, j’ai cessé de souffrir seul et j’ai pu, quelquefois, me réjouir dans les tourments.

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Ma chère Madeleine [Bloy], ce livre existait depuis dix ans lorsque tu es venue en ce monde. Nous avions eu déjà de très grands chagrins, ta mère et moi, ayant vu mourir tes deux petits frères, et ces chagrins s’ajoutaient, pour l’écrasement de mon cœur, aux peines énormes racontées ici. Quelle bénédiction pour nous fut ta naissance !

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A ma chère Jeanne [Bloy], pour qu’elle se souvienne du blessé à mort que j’étais quand elle eut la charité de m’épouser.

Il vous manque d’être un de mes filleuls, mon cher Henri van Haastert, et il me manque d’être votre parrain. Mais, à défaut de ce lien spirituel, il doit y avoir, entre nous, une très lointaine ou très proche parenté d’âmes, à faire pleurer de compassion les saints anges qui nous ont enfin conduits l’un vers l’autre. J’ai senti cela dès la première heure.

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A Élisabeth Joly, pour qu’elle n’oublie pas que le pire tourment humain, c’est la soif de la grandeur et de la Beauté et qu’il y a de pauvres poètes qui souffrent de cette soif autant que peuvent souffrir des anges coupables. Ah ! Ce n’est pas le mépris du monde qui les torture, c’est l’exil de la Maison paternelle et la nécessité pour ces malheureux de garder les cochons infâmes dont ils sont réduits à envier la nourriture. L’auteur du Désespéré a connu cette infortune excessive et il la connaîtra sans doute jusqu’à sa dernière heure. C’est pour cela qu’il mendie la pitié des cœurs sur les grandes routes et au coin des bois, étant, d’ailleurs, toujours armé jusqu’aux dents.

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A Raïssa Maritain, pour qu’elle offre elle-même ce livre au dédicataire in eremo, lequel a tellement grandi, depuis quelque temps, qu’il me paraît être encore plus mon frère que mon filleul. Nous sommes tous des convertis, des aveugles-nés que le Roi des Juifs illumine quand il lui plaît, et les saints solitaires qui l’adoraient à tâtons sous le soleil, avaient raison de penser que le Paradis est situé au fond du désert.

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A mon cher Philippe Raoux, ce récit véritable des douleurs anciennes, dont Dieu s’est servi pour fabriquer un écrivain qui accepterait de souffrir encore pour que ceux qui ont eu compassion de lui trouvassent le paradis dans leurs cœurs.

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A Jeanne Termier-Boussac, qui a si généreusement parlé de moi. Cadeau médiocre d’un vieux bonze très pauvre visité par de trop rares pèlerins et qui fait trop peu de miracles. Ce livre est, d’ailleurs, sublime ou insupportable, selon le tempérament du lecteur. Son principal intérêt est de prouver que l’auteur venu au monde sous Louis-Philippe, quoique engendré sous les premiers Capétiens, a continué ce miracle en n’attrapant ses dix-huit ans qu’à l’aurore de la quarantaine. Ce cas exceptionnel est la seule explication à offrir de l’optimisme à rebours, mais réel et constant, de cet étrange Désespéré.

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A Christine van der Meer [de Walcheren], je t’offre la nouvelle édition de ce vieux livre dédiée à mes grands filleuls. Vieux, sans doute, puisqu’il fut écrit il y a plus d’un quart de siècle, mais quand même contagieux de jeunesse, puisqu’il est impossible de le lire, fût-on centenaire, sans revenir à dix-huit ans. L’auteur lui-même qui était déjà un amoureux sous les premiers Capétiens, commence à reverdir…La jeunesse est un oiseau fugitif qui retourne vers ceux qui souffrent pour chanter à leur agonie.

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Ma chère Juliette [Vignes]. Je vous aime gravement, profondément, et je tiens à l’écrire au seuil de ce livre de douleur par lequel vous m’avez connu tout dernièrement, avant beaucoup d’autres qui croyaient m’avoir lu depuis vingt ans. C’est donc pour vous que je l’écrivis, sans savoir, il y a un bon quart de siècle, de mon pavillon de mort et de misère de la banlieue de Paris. J’étais alors un abandonné parmi les abandonnés. Vous êtes, par conséquent, une très ancienne amie, une petite sœur très douce que Dieu m’a envoyée à l’heure précise que lui seul savait, dès le commencement du monde. En vue de quelles décisions, qui pourrait le dire ? Ce que je sais bien, c’est que vous avez eu compassion d’un pauvre homme qui vous semblait avoir de la grandeur, quoiqu’il fût, en apparence, extrêmement éloigné de vous et cela, chère amie, soyez-en sûre, appelle des bénédictions infinies. 

 A mon très cher ami Philippe Raoux, en souvenir des belles heures passées ensemble à Corps et à la Salette et en attendant le Paradis où on ne se quittera plus ; ce livre d’excessive douleur dont le titre n’est qu’une antiphrase.  » Le désespoir porté assez loin « , a dit Carlyle,  » complète le cercle et redevient une espérance ardente et féconde. « 

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A Jacques, à Raïssa, à Véra. Ce livre étrange et broussailleux, mais saturé de douleur, vous montrera mieux qu’un autre, peut-être, mes bien-aimés, l’âme si magnifiquement torturée de votre parrain. Ce n’est pas une autobiographie, mais il n’y a pas une page qui ne soit vraie, au moins dans le sens énigmatique ou parabolique. Tels faits historiquement faux sont la traduction en similitudes et cruellement précise de certains épisodes à faire peur que je n’avais pas le droit de raconter. J’ai de tels secrets à garder et, depuis trente ans, un si lourd fardeau sur le cœur ! (relire la page 61 de Mon journal). À demain, à après-demain, à toujours.

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A mon incomparable ami Pierre Termier. Voici ce fameux Désespéré revu et corrigé pour vous, tel à peu près qu’il sera présenté dans une édition future. Il n’y manque qu’une préface que je n’écrirai peut-être jamais. D’autres livres venus plus tard sont mieux écrits ou plus fortement pensés, mais je crois qu’on a raison de me nommer toujours l’auteur du Désespéré. Il n’existe probablement pas de livre aussi complètement ingénu. Qualité merveilleuse que je ne retrouve plus dans aucun de mes tiroirs. Le titre, d’ailleurs, est une antiphrase pour cacher très mal l’optimisme le plus exalté. Vous l’avez compris, mon cher Termier. Vous n’étiez pas alors entré dans ma vie et j’imagine que je vous aurais fait horreur. Il fallait, au temps marqué, que Ma Dame de Compassion daignât me présenter à vous. J’étais, à cette époque, déjà si lointaine, trop peu décemment vêtu.